Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Musiques contemporaines XX & XXI

Chroniques de concerts,de festivals, d'événements, de livres, de disques et de DVD.

Au détour du chemin, l’incandescence prend forme. Heiner Goebbels et Hugues Dufourt illuminent Musica.

Jeudi 25 septembre ouverture du Festival Musica à Strasbourg

Heiner Goebbels, Stifter Dinge au Théâtre Hautepierre  à 18 h 30

Hugues Dufourt, Burning bright par l'Ensemble les Percussions de Strasbourg au TNS à 20 h 30

Sifter Dinges de Heiner Goebbels n’a pas pris une ride, sept ans plus tard la magie reste intacte. L’œuvre commence alors que l’équipe technique du théâtre finit l’installation du dispositif. Des sonorités menaçantes enveloppent la salle, le noir se fait, une voix d’outre-monde s’adresse à nous.  Est-ce Adalbert Stifter ? Au « détour d’un chemin » apparait une chose énigmatique, laissée en suspend. La voix de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss surgis, elle évoque un monde sans secret, un monde sans terre vierge, un monde où l’aventure n’aurait plus sens. Un musique au piano mécanique, très « gouldienne » venant d’un temps lointain, mais toujours ces sonorités électroniques obsédantes. La machine, la bête, la chose, se rapproche des spectateurs puis se retire laissant un lac gargouillant, digne de l’Enfer de Dante, puis la mort. Cette installation sonore finira très certainement ses jours dans un musée d’art contemporain. Elle a la puissance des sculptures machiniques et musicales de Jean Tinguely. L’œuvre est dans la filiation du film expérimental le Ballet mécanique de Dudley Murphy et Fernand Léger à partir de la musique de George Antheil.

Un autre spectacle nous attend, on ne pouvait donc pas trainer trop longtemps dans le quartier Hautepierre en pleine rénovation illustrant, on ne peut mieux, la tristesse urbaine où le chômage fait des ravages dans les familles. À deux pas du théâtre, véritable caverne d’Ali Baba, le centre commercial lumineux et bien achalandé sous la haute surveillance des « debout-payés » faisait contraste avec l’anonymat extérieur. Manifestement, le réel résiste aux politiques.

Donc, retour au centre ville de Strasbourg, au TNS, pour la création Burning bright d’Hugues Dufourt. C’est sa deuxième œuvre pour les Percussions de Strasbourg après son premier chef-d’œuvre, Erewhon, composé il y a presque quarante ans. Du poème de William Blake, Hughes Dufourt a supprimé le point d’exclamation final du vers, « Tyger, Tyger, burning bright ! »  Il retient la traduction d’Alain Sueid, « Tigre, Tigre ! ton éclair luit ». On est en présence de vers de sept pieds. On peut faire siens les propos de Jacqueline Risset, récemment disparu au sujet de sa traduction de la trilogie dantesque : « Quand on traduit, on casse le lien entre le signifiant et le signifié. » Alain Sueid a cherché à reconstruire en français, la chaîne « signifiant-signifié » du poème pour échapper à cette « trop grande violence » que la poétesse stigmatisait. De même, Hughes Dufourt échappe à cette violence, sa musique est construite dans un respect absolu de poème de William Blake. Il y a la recherche d’une équivalence formelle entre le vers et la phrase musicale. Les accords musicaux s’accordent avec la répétition du phonème « right » présent dans « bright », « eyes », « fire »… Cette répétition de la même famille harmonique fait l’unité de l’œuvre. La structure sous-jacente du poème est respectée à la lettre. Certes, « effrayante symétrie », pour reprendre les derniers mots du poème mais Hughes Dufourt l’habille d’une parure sonore incandescente. Dans cette œuvre, Hughes Dufourt tourne le dos à l’ « entropie comme principe libérateur » souvent associée à la percussion mais aussi à la Révolution française dont William Blake fut le thuriféraire face aux critiques de son contemporain Edmund Burke. Pour Hugues Dufourt, l’œuvre musicale doit s’inscrire dans l’utopie du présent, elle est un acte philosophique donc éminemment politique. Les reflets jaunes des lumières sur les métaux des percussions participent également à la dimension performative de l’œuvre.  

 Concert Percussions de Strasbourg cop. G. Chauvin

Concert Percussions de Strasbourg cop. G. Chauvin

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article