22 Septembre 2014
L’Abbaye cistercienne de Royaumont a été construite entre 1228 et 1235 sous le règne de Louis IX plus connu sous le diminutif de saint Louis dont on fête cette année le huit centièmes anniversaires. Le programme proposé musical ce week-end du Patrimoine était en parfaite harmonie avec le jubilé de la Fondation de Royaumont.
Samedi 20 septembre, La redécouverte de la musique du Moyen Âge.
17 h 30 : polyphonies parisiennes XIIIème et Office de Saint Louis par l'Ensemble Dialogos
20 h 30 : Musiques du moyen Âge ; de l'antiquité tardive à la Renaissance. Les extrêmes
22 h 30 La voix des songes par l'Ensemble Organum
Peut-on imaginer Royaumont fêtant les cinquante ans de sa fondation sans la présence de Marcel Pérès ? Non, bien évidemment, c’est impossible ! L’Ensemble vocal Organum a été en résidence à l’Abbaye de Royaumont de 1982 à 1999. Marcel Pérès (*1956) fonda également le Centre européen de recherches sur les musiques médiévales (CERIMM) dont les colloques et les travaux publiés par la Fondation devinrent pour les chercheurs et les mélomanes des références musicologiques sur les origines du chant sacré chrétien. Les deux concerts du soir donnés dans le Réfectoire des moines dressèrent un portait des recherches des musicales menées à l’Abbaye de Royaumont. Marcel Pérès s’est principalement intéressé aux traditions orales de la Méditerranée confinées dans des îles à l’écart des grands bouleversements du monde moderne. Il a également exploré les sources des musiques paléochrétiennes, ainsi nous entendions en ouverture du concert, l’hymne O tin to Stravon – O quando in cruce qui appartient à la tradition du chant Bénéventain du IVe siècle, un des plus anciens témoignages de psalmodie liturgique. Cette tradition ancestrale italienne est fortement influencée par le chant byzantin. Bien évidemment on n’est pas encore dans notre civilisation musical au tempérament égal qui n’émergea qu’à l’âge Baroque. Les voix ont un spectre plus large, les registres vocaux sont moins définis. L’hymne suivant, Statuit et Domine extrait du chant vieux-romain a été au centre cœur des polémiques qui surgirent dans les années quatre-vingt sur les sources du chant chrétien. Les travaux de Marcel Pérés viennent dans la foulée du Concile de Vatican II réévaluant les apports des églises primitives qui se perpétuèrent jusqu'à aujourd'hui dans les Églises d’Orient. Un chant Mozarade, ancien chant des chrétiens de Tolède et un chant Samaa marocain de tradition Soufi mis en vis-à-vis, - interprétés par Ahmed Safer -, permettaient à l'auditeur de mesurer la capillarité entre les deux traditions, chrétiennes et musulmanes. Parallèlement, des parties de la Messe des morts d’Antonius Divitis (c. 1470-c. 1530) venaient ponctuer ce parcours musical. Antonius Divitis, musicien né à Louvain, fut chantre à la Chapelle de la reine d’Espagne, Jeanne de Castille puis rejoignit la cour d’Anne de Bretagne et la Chapelle royale de François 1er. La polyphonie franco-flamant dont il est un des éminents représentants, imprima sa marque sur la musique religieuse des cours européennes. Elle fit la transition entre le monde médiéval à la Renaissance. Elle fut contemporaine du gothique flamboyant. Les murs porteurs et l’ogive libérèrent les cathédrales des pesants du bâti, celles-ci s’élancèrent vers le ciel, s’ouvrirent à la lumière et à la polychromie.
En prélude à cette soirée, à 17 h 30 dans le même lieu, l’ensemble Dialogos sous la direction Katarina Livljanic proposait un programme de polyphonies parisiennes contemporaines du règne de Saint Louis profitant ainsi des célébrations du huit centièmes anniversaires de sa naissance. Katarina Livljanic et son ensemble nous firent entendre des extraits de l’Office de Saint Louis. Katarina Livljanic usa des qualités acoustiques du Réfectoire des moines pour déployer les voix cristallines de son ensemble dans l’espace. Nous étions le temps d’un concert à la Sainte-Chapelle, qui l’eût cru en ce week-end du Patrimoine que le miracle se produirait ! Dialogos terminait en majesté ses quatre années de résidence à l’Abbaye de Royaumont dont le film Judith restera dans les annales de l’Abbaye.