29 Septembre 2014
Vendredi 26 septembre 2014 au Palais de la musique et des congrès, Salle Érasme.Concert inaugural de Festival Musica
Magnius lindberg, Kraft par l'Ensemble Modern et SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Freiburg dir. Pablo Rus Broseta
Philippe Manoury, In situ par
Sans les knacks, le festival Musica ne serait plus Musica… C’est le grand moment de convivialité qui vient après le concert « inaugural » du festival. Cette année point de discours des officiels et personne ne s’en plaindra. L’orchestre symphonique de Baden-Baden / Freiburg et l’Ensemble Modern seront les acteurs de ce concert. Acteur, est peut-être bien la bonne expression car les musiciens ne vont pas rester en place. La spatialisation fut le maître mot de cette soirée, deux œuvres emblématiques, Kraft de Magnus Lindberg (*1958) et In situ de Philippe Manoury (*1952). Les deux œuvres ont une durée comparable, une demi-heure. On est en présdence de deux conceptions de de la spatialisation. Kraft porte bien son nom, puissance, les décibels explosent. L'œuvre a été composée entre 1984 et 1985. Á cette époque-là, Lindberg vivait entre Paris, Berlin et Helsinsky. Il n'avait pas encore la trentaine. C’est aussi les années de jeunesse de l’ensemble Avanti ! Un an avant il avait composé Action-Situation-Signification, œuvre aux allures de manifeste. En 1985, Il compose Ur avec la technologie de l’Ircam, œuvre qui fut régulièrement interprétée dans les festivals d’avant-garde. Tout est possible, c’est le début des années quatre-vingt, avant que le Sida décime les milieux underground étatsuniens et européens. La percussion de Kraft a été récupérée chez des brocanteurs. Elle est faite de bric et de broc. Il y a un côté dadaïste. Une esthétique fruste à l’opposé à la tradition policée de l’orchestre symphonique. Ils sont quatre solistes hyperactifs. Ils vont et viennent de l'orchestre à l'Ensemble Modern. Il y a une clarinettiste, Nina Janßen-Deinzer avec ses clarinettes, un pianiste, Ueli Wiger, cerné de claviers, deux percussionnistes, Rumi Ogawa et Rainer Römer, enveloppés d’instrumentents divers, et variés, et une violoncelliste, Eva Böcker, musicienne polyvalente. Ils sont face à un orchestre symphonique par cinq. La forme est relativement simplement. L’œuvre s’ouvre sur un coup de Tam-tam puis l’orchestre entre en action par un puissant cluster puis progressivement l’orchestre s’individualise et les solistes amplifiés émergent de la masse orchestrale. Á cette séquence, succède une partie plus calme, dominée par les quatre solistes qui vont de la scène à la salle, et vis-et-versa. La troisième section reprend en miroir la première section, celle-ci se concluant sur un coup de Tam-tam. La dernière partie évolue vers une sonorité spectrale. Le modèle me semble fortement influencé par l’ouverture Die Soldaten du compositeur Bernd Aloïs Zimmermann. Nous ne sommes pas confrontés à un espace unifié mais à un environnement chaotique. La transgression scène-salle semble plus importante que l'unification musicale de l’espace. In situ de Philippe Manoury évolue au contraire dans un espace isomorphe tant pour l’auditeur que pour les interprètes. Le « moment form » de Stockhausen est récurrent à son œuvre. L’orchestre enveloppe les auditeurs par les ailes. D’emblée, par un son percussif et mobile, Philippe Manoury nous donne à entendre l’espace sonore dans sa globalité. Son orchestration est beaucoup plus aérienne que dans ses œuvres frontales pour orchestre. On est étonné par la fluidité sonore de l'œuvre, la rapprochant ainsi des possibilités de la musique électroacoustique. Il pose différemment la question de la forme que Magnus Lindberg, elle semble sortir tout droit d'une imprimante 3D. Saluons. La performance musicale de Orchestre de Baden-Baden / Freibourg sous la direction très aguerrie du son jeune chef Pablo Rus Broseta fut essentielle à la réussite cette soirée d'ouverture.