20 Octobre 2014
Vendredi 17 octobre à la Cité de la Musique à 20 h
Deuxième concert du Festival d’Automne à Paris en hommage à Luigi Nono (1924-1990)
Clara Iannotta, Intent on Resurrection – Spring or Somme Such Thing pour 17 musiciens. Commande de l’EIC et du Festival d’Automne à Paris ; Luigi Nono, Omaggio a György Kurtag pour quatre musiciens et dispositif électronique en temps réel : Helmut Lachenmann, Concertini par l'Ensemble intercontemporain sous la direction de Mathias Pintscher
Ce deuxième concert du Festival d’Automne mobilise les forces vives de la Cité de la Musique avec l’Ensemble Intercontemporain sous la direction de Mathias Pintscher, son directeur artistique. Chaque mélomane en arrivant jette un œil à gauche sur le chantier de la Philharmonie, mais comment vont-ils faire pour ouvrir à l’heure. Il paraît que les travaux sont finis à l’intérieur. Oui, oui, Jean Nouvel va de l’intérieur vers l’extérieur, de la salle à la façade. Ne vous fiez pas aux apparences ! Bon, en attendant, on nous a fourni à l’entrée de la salle de concert un questionnaire réalisé par l’Universität Salzburg sur Festival d’Automne, option musique contemporaine comme pour le bac.
La salle est pleine ce soir, et même au deuxième balcon, il y a du monde. Est-ce Nono, est-ce Lachenmann qui font le buzz ce soir ? Trois œuvres sont au menu. La première, une création de la jeune compositrice italienne, Clara Iannotta. Elle a trente et un an ou s’en approche. Elle a eu pour professeur à Milan, Alessandro Solbiati et au CNSMD de Paris, Frédéric Durieux. Elle a un cursus musical impeccable. Intentonon on ressurrection – Spring or Some Such Thing est la deuxième pièce d’un cycle de trois pièces. Le titre est extrait d’un poème de la poétesse Dorthy Molloy décédée d’un cancer, il y a dix ans. On peut traduire ainsi le titre, « J’attends la résurrection – Le printemps ou quelque chose de proche ». L’influence de la « musique concrète instrumentale » d'Helmut Lachenmman est évidente à l’écoute. On a l’impression de pénétrer dans une chambre de jeune fille débordant de couleur, évoquant l’enfance. Elle a un petit côté « Destroyed room » à la Jeff Wall mais la présence de la mort fait son œuvre, sous la chaire des sons. Il y a les os, l’attaque des sons, l’aspect mécanique, la dépense d’énergie des musiciens. Ainsi « les doigts s’enrouleront autour de leur creux sonores et ils tireront de ces os des accords fortissimo », le programme musical est énoncée. La musique se fera grave à la fin par un simple râle appuyé des cordes. Une commande de l’EIC et du Festival d’automne que l’on aura plaisir à réentendre. Place à Luigi Nono dont le Festival d’Automne rend hommage cette année. Cet Omaggio a György Kurtag composé en 1983, appartient à sa dernière période du vénitien, elle est plus grave, plus sombre, plus tragique. Les trois instruments solistes, flûte, clarinette si bémol, et tuba plus la voix de contralto sont imbriqués dans un dispositif électroacoustique. C’est une œuvre pneumatique, sur l’émission du son et sa résonance dans l’espace. La musique est tendue, dilatée à l’extrême. On devine la tension qui relie les interprètes entre eux. Rituel magique ! On comprend la remarque de Clara Iannotta, il lui fallait bien un Helmut Lachenmann pour se détacher de la prégnance d’un Luigi Nono. Le concert s’est conclu sur un chef d’œuvre d’Helmut Lachemann, Concertini pour ensemble composée en 2005. Il y a du Zelenka dans la manière de faire concerter, dialoguer, les instruments entre eux. Si le groupe principal est sur la scène face au public, trois autres groupes entourent le public. Les activités de la ménagère sont proches de celles du musicien contemporain, il faut frotter, gratter parfois aussi frapper voire pincer. La musique « concrète instrumentale » exige une grande polyvalence du musicien. La division instrumentale entre familles est bouleversée. Cette œuvre est portée par un climat festif, certes Lachenmann fait sonner au début son ensemble comme un ensemble traditionnel mais très vite la musique se vide de ses résonances au profit d’un jeu sur les attaques, la percussion devient le canon musical. On est abasourdi par la virtuosité des musiciens. On se remémore l’époque où Pierre Strauch, le premier violoncelle de l’Ensemble explorait en solitaire la musique d'Helmut Lachenmann, aujourd’hui tout le monde s’y met. Lachenmann est devenu monnaie courante. Mathias Pintscher nous a bluffés par l’élégance de sa direction et l’efficacité de son geste. ça, c’est une vraie ouverture de saison !
Clara Iannotta avec ivan Fedele, Luigi Nono, Helmut Lachenmann