Chroniques de concerts,de festivals, d'événements, de livres, de disques et de DVD.
22 Septembre 2015
Musica 2015, vendredi 18 septembre 2015, 20 h 30
Strasbourg, Palais de la musique et des Congrès, Salle Erasme
Helmut Lachenmann, Kontrakadenz ; Hnspeter Kyburz, ibant oscuri ; Yann Robin, Inferno (avec le vidéaste Frantisek Zvardon)
Par le SWR Sinfonieorchester Baden-Baden und Friburg sous la dir. Pascal Rophé
La 33e édition du Festival Musica 2015 a débuté jeudi 17 septembre avec des œuvres orchestrales transcrites pour deux pianos allant de Debussy à Varèse en passant par Stravinsky et Ravel, une manière de revisiter Le Sacre du Printemps La Valse et Amériques via la valise de Marcel Duchamp, des mondes en miniature qui ont changé notre écoute. Le vendredi l’affaire se corse, c’est l’ouverture officielle dans l’immense entonnoir de la Salle Erasme du Palais des Congrès… Les notables nationaux, régionaux, départementaux et municipaux sont au rendez-vous sauf la ministre de la culture, il se pourrait bien qu’elle réussisse à échapper à cette corvée ministérielle. Il lui restera une dernière possibilité l’année prochaine. La grande réussite de Jean-Dominique Marco gouvernant la programmation du festival depuis plusieurs mandats aura été de fédérer des tutelles aux intérêts contradictoires autour du festival pour preuve il annonçait lors du traditionnel repas de presse qu’il resterait jusqu’en 2018… Cela s’appelle avoir un certain flair politique, je présume qu’il présuppose qu’en 2017, il y aura un autre président à la tête de la République, et quoiqu’il arrive un nouveau premier ministre, et etc., etc. Il y a bien évidemment les régionales en décembre, bon on verra ! Musique ! De tout bien, tout honneur, c’est l’Orchestre symphonique de la Radio de Baden-Baden / Fribourg sous la direction de Pascal Rophé qui ouvre officiellement le festival. La messe a été dite, cette magnifique phalange musicale disparaîtra en 2016 après avoir fusionné avec l’Orchestre de la SWR de Stuttgart. Nous assistons au chant du cygne. L’an passé était à la mobilisation, aujourd’hui, au silence poli.
Le concert commence avec Kontrakadenze d’Helmut Lachenmann, une œuvre composée au début des années soixante-dix, laquelle n’a pas pris aujourd’hui une ride. Seule, le texte de la bande son, préenregistré, surgissant par bribes du tissu orchestral, a été actualisé à l’ère du téléphone portable et de Facebook. L’écriture orchestrale exige de chaque musicien une extrême attention au service du collectif. Cette musique « concrète instrumentale » morcelée reste toujours très musicale sous la direction de Pascal Rophé.
La seconde œuvre au programme, n’est pas celle d’un inconnu pour le festival Musica. Sa grande pièce pour Malstrom donnée dans la même salle en 2003 par l’Orchestre de la SWR de Stuttgart avait fait une forte impression sur les auditeurs de l’époque, Hanspeter Kyburz avait conçu une sorte de Valse-vaisseau, attirée inexorablement par la gravité d’un trou noir. Comme à Electre, le noir, lui sied bien ainsi sa nouvelle œuvre donnée à Musica, ibant oscuri est par sa facture, un poème symphonique qui nous emmène aux limites de la « nuit noir » ; le génie propre de Kyburz, c’est sa manière de coller à la fiction sans jamais paraître insistant, imposant. Le raffinement orchestral est extrême comme le démontre cette utilisation allusive de la contrebasse dans le finale de l’œuvre. C’est l’inverse de Lachenmann mais sa musique est tout aussi convaincante. Le concert s’est achevé, pardon pour l’expression, avec Inferno de Yann Robin. C’est une réécriture de la première version. Quarante minutes de musique, là, la machine orchestrale s’emballe et va tourner à plein régime sous le contrepoint des images filmées d’une aciérie dite « tchèque » sur le programme, mais il me semble en dépit d’une astigmatie prononcée avoir lu le mot Ukraine en langue vernaculaire. Et, évidemment perfide comme je suis : « Tiens, les petits hommes du Donbass s’invitent à Musica ». Toujours est-il, c’est une aciérie d’un autre âge, celui du fer, de l’enfer pour les ressources humaines ! Ne parlons pas des poumons, vous dis-je, ils n’en ont plus ! Les forte à répétition sur les lingots en fusion, là, ce n’est plus du Godard mais du Mossolov qui sonne aux oreilles ! Le capitaine Rophé et ses sapeurs n’ont pas éteint le feu mais ils ont fait des miracles de synchronisation avec le film. De même devant les étincelles, les cordes de l’orchestre sont « tout feu, tout flamme ». La musique du camarade Robin est spectaculaire et efficace mais on aimerait plus de nuances ou alors vraiment plus de folie, une vraie folie comme dans Le Sacre ou Amériques ! Il en a les moyens mais il se retient ! Dommage !